9 - Chronique d'une famille lorraine : les ROSART de LEZEY en Moselle - III - Histoire d'une vocation - La traversée du Sahara (2ème partie, El Goléa - Tamanrasset)
« Ce qui n’est pas dit n’existe pas, ce qui n’est pas écrit n’existe plus »
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On mange sur le pouce à FORT MIRIBEL où nous ne sommes pas très bien accueillis par le bataillon disciplinaire qui le tient. Une heure d’attente à l’extérieur en plein soleil. Ils vérifient nos identités par liaison radio avec les supérieurs avant de nous ouvrir les portes du fort militaire. En attendant, on se glisse sous les voitures, on y est à l’ombre et tant que le moteur est chaud, il se crée un courant d’air qui rend la température plus supportable. On nous expliquera que la veille le fort avait fait l’objet d’une attaque de membres du FLN qui étaient repartis en emportant des armes. On fait le plein d’eau et on repart vers 17h30. 2 km plus loin, BANNWARTH a une nouvelle crevaison. Les pompent ne fonctionnent pas bien. Dans la soirée on pique-nique au clair de lune. Il fait bon. On fait les pleins d’essence à partir du fût et on repart aux phares. Il reste 210 km. Maintenant les pompent fonctionnent. Pour un contrôle, arrêt d’une heure. On constate 2 amortisseurs cassés et un en mauvais état. On repart. À 120 km LAFLEUR a un court-circuit général. On essaye de réparer, puis on décide de camper. Il est 3h30 du matin le jeudi. La piste, à cet endroit, a plus de 100 mètres de large. Pour notre sécurité SZLOBODA nous demande de nous écarter de 200 mètres environ. Ce qu’on a fait. Bien nous en a pris car dans la nuit, un vacarme nous réveille. 6 camions Berliet avec des roues énormes déboulent sur la piste à fond la caisse et tous phares allumés. Ils roulent de front pour ne pas respirer la poussière que soulèvent les véhicules. De vrais rouleaux compresseurs. On peut imaginer ce qui peut arriver aux ignorants qui camperaient en bordure de piste, d’autant plus que cette bordure est très imprécise et manifestement fluctuante. Å part cet épisode, on a très bien dormi.
-Jeudi 7 : le matin 8h SZLOBODA fait une réparation de fortune. Il peste contre ce matériel peu fiable, lui qui ne jure que par MAGIRUS. On repart à 9h, mais les pompes déconnent. BANNWARTH et nous partons en avant pour commander l’hôtel et le mécano à l’étape suivante IN SALAH. Après la descente d’un col très escarpé et dangereux que fort heureusement on n’a pas franchi de nuit, on roule bien et on y arrive à midi. Les autres arrivent une heure après. Une remorque a un pneu crevé, mais ils ont roulé les deux derniers km avec le plat.
Départ 19h15, les ennuis commencent. Le sable, il faut les 4 roues motrices et il nous faut apprendre à maitriser cette conduite toute en finesse. On s’enlise plusieurs fois et pour redémarrer quel boulot ! Il faut pelleter et utiliser les grilles métalliques à glisser sous les roues motrices. Panne sur une arrivée d’essence. SZLOBODA qui décidément sait tout faire, installe une alimentation gravitaire qui se passe de la pompe défectueuse. Cela consiste à mettre un jerrican d’essence sur le toit de la voiture et à le raccorder par un tuyau, directement sur le carburateur. Inconvénients : les joints n’étant pas très étanches, grosse consommation d’essence, odeur désagréable dans la cabine et risque d’incendie. On perd 1h, mais ça fonctionne. Les autres pompes déconnent. On double un camion militaire renversé. Å 120km on abandonne une remorque. Å minuit, dîner puis roupillon sur le bord de la piste. Moi je ne me sens pas bien, je ne mange rien.
-Samedi 9 : lever 4h30. Les voitures marchent bien au début. Puis une batterie est vide. On la permute avec celle d’une voiture qui charge bien. L’armée nous double. Puis on fait une bonne moyenne horaire, on redouble l’armée. Å 50km des GORGES D’ARAK une de nos voitures se retourne et s’immobilise sur le toit. Pierre EYMERIE, conducteur sans permis, désigné pour remplacer le titulaire malade a fait une fausse manœuvre de débutant. L’armée nous rejoint et remet la voiture sur ses 4 roues. Nous étions loin devant et prévenus par LAFLEUR qui nous a rattrapés, on fait demi-tour. Pas de blessé, la voiture remarche. Du pot. Pour la carrosserie abîmée on verra plus tard. Quant à notre réserve d’eau, elle est sauve, le fût à résisté au choc.
On arrive à ARAK à 12h30. Il fait chaud, on a soif. Le gardien du poste, un civil auvergnat semble-t-il, a un frigo qui fonctionne au pétrole. Il n’a rien pour nous, il ne veut rien vendre. On échange bières chaudes contre moitié de bières froides, suivant la tradition. Son frigo est cadenassé. Moi je suis malade, je ne mange plus. J’ai une indigestion d’eau à la menthe dont je consomme des litres glacés. On se fabrique cette boisson glacée désaltérante en roulant. Technique : de l’eau additionnée de sirop de menthe dans une gourde enveloppée d’une serviette éponge ficelée autour. La gourde ainsi équipée et pleine de boisson est suspendue au rétroviseur de la voiture. Tout en roulant, vitre de portière baissée, avec une seconde gourde on arrose régulièrement la première pour maintenir la serviette humide. Le vent relatif dû à la vitesse force l’eau d’arrosage à s’évaporer. Cette évaporation forcée qui a besoin de calories les prend dans la gourde enveloppée. La température y descend d’autant plus qu’on roule plus vite et plus longtemps. Ainsi on buvait toujours frais, trop frais même parfois.
Je fais une sieste de malade tout l’après-midi pendant que les copains vont piquer une tête dans la mare d’eau claire juste à côté. Le soir on répare les voitures. On constate que les deux batteries permutées sont montées à l’envers. (Et ça fonctionnait quand même, mystère?) Le soir je ne mange rien. La nuit je ne dors pas. Il me faut de l’eau pure à boire et j’ai des doutes sur la qualité de celle de notre fût. Je me lève de ma couche et je vais « cambrioler » le frigo du taulier pas sympa. Pour avoir la conscience tranquille, je mets dans le frigo 200 francs CFA en échange d’une boite métallique de 1,5 litre d’Évian. Le lendemain matin j’étais guéri.
-Dimanche 10 : départ 5h15 direction TAMANRASSET qui est à 395 km dans le Massif du HOGGAR. Le gardien n’est pas encore levé. Tout marche très bien. On fait un arrêt pour enlever le toit de la voiture accidentée qui risque de se détacher et de provoquer un nouvel accident. Après la traversée des GORGES d’ARAK, on trouve une piste de sable très large. On longe le massif du TESNOU, puis à IN EKKER, on fait le plein d’essence à partir du fût. On trouve sur la piste un paquet qui s’avère être une ration de soldat intacte avec tout ce qu’il faut pour se nourrir une journée. On apprendra plus tard que dans le secteur la France vient de faire exploser sa 1ère bombe atomique aérienne. Ça ne nous rassure pas. Vérification faite depuis notre retour, l’explosion a eu lieu en aérien sous le nom de code « Gerboise Bleue » le 13.02.1960 à RIQQAN, à 300 km plus à l’ouest. Å IN EKKER des militaires préparent en fait des explosions souterraines. La première aura lieu ici le 7.11.1961 sous le nom de code « Agathe ».
On arrive à IN AMDJEL à 12h30. Les habitants du village connaissent SZLOBODA. Ils sont noirs. Très sympa, ils nous servent du thé à la menthe avec des tranches de concombre très frais. On fait une sieste mais nous sommes réveillés par 3 gouttes de pluie. Trois gouttes vraiment qui suffisent à faire sortir instantanément de terre un ver à chaque endroit où une goutte est tombée. Il émerge du centre du petit cratère que chaque goutte a creusé dans le sable.
Å 17h départ, on prend des passagers qui vont à un mariage à TIT (90 km avant TAM). Nous héritons dans notre voiture de la passagère la « mieux portante », il faudra s’y faire et arriver à conduire malgré le manque d’espace dans la cabine. La passagère mâche sans arrêt de l’oignon pour « lutter contre le mal de la voiture » pensons-nous. On traverse le Tropique du Cancer dans la flotte. Il y a une borne pour matérialiser l’endroit. Arrivée à TAM à 20h. Nous logeons à l’hôtel AMENOKAL. Très bien, on peut se laver, on mange bien, on boit frais et on y dort bien. Les contacts avec les TOUAREGS sont inoubliables. Des gens beaux, grands et fiers, serviables, cultivés, habillés en bleu, toujours sur ou à côté de leurs dromadaires. Beaucoup parlent un très bon français.
-Lundi 11 : lever à 9h. Déjeuner et gendarmerie. Puis voitures chez le garagiste qui ne peut pas grand-chose pour nous. Il lui faudrait des pièces (surtout les jumelles qui sont toutes à changer). On les commande en catastrophe et par télégramme envoyé à PARIS. OK elles arriveront par le prochain avion (il y en a 2 par semaine). Matinée libre. Déjeuner à 12h30 puis sieste jusqu’à 19h. Souper à 20h puis SZLOBODA, FARGEIX et LAFLEUR font un poker avec JEANNOT le patron de l’hôtel. Il perd 40 sacs (150 disent certains), il est furieux. (Les mêmes disent, mais c’est invérifiable, que pour se refaire il aurait majoré notre facture d’autant).
-Mardi 12 : debout à 8h, petit-déj. Voitures chez le mécano pour vidange-graissage. On en profite pour terminer proprement les modifications apportées à la voiture accidentée. En fait on la transforme en « coupé grand-sport ». 12h30 déjeuner avec coquilles St Jacques, frites avec du rôti. L’après-midi pas de sieste, on fait du courrier à la famille. Il faut profiter qu’il y a sur la place un bureau de poste. Ensuite ballades aux GUELTAS à 18km pour une baignade dans une eau limpide et fraîche. C’est aussi l’endroit pour admirer le ZOB à LAPERRINE, un rocher en forme de phallus. On est à 40 km de l’ASSEKREM, l’ermitage de Charles de FOUCAULT. Le soir dîner et au lit pour moi. Quelques-uns vont visiter les bordels. Il n’y en a plus que deux à TAM paraît-il. À 22h je dors comme un loir jusqu’à 8h30 le lendemain.
SUITE SUR 3ème-partie
Ce Knol fait partie de la collection: Chronique-d'une-famille-lorraine...
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